» Greenwashing dans le bâtiment

Arnaques et greenwashing dans le bâtiment :
des matériaux pas vraiment écologiques

Accueil principal » Site perso » Énergie et développement durable » Les arnaques de l'énergie » Greenwashing dans le bâtiment

page précédente : Énergie et abus de langage
page suivante : Divers



Dans le secteur du bâtiment, l'écologie a aussi une composante énergétique. Les matériaux désormais classiques (et polluants, dans l'usage comme dans la fabrication) cherchent à maintenir leur position dominate sur les marchés, en se prêtant des vertus écologiques : le produit ne change pas, le discours évolue, et sombre dans le mensonge. Certains produits assez nouveaux s'essaient aussi à ce sport, mais il n'est pas utile de chercher bien loin pour se rendre compte que les arguments écologiques ne tiennent pas la route. Petite sélection de greenwashing industriel.

Le polystyrène expansé (PSE) s'appelle désormais le « Protecteur Sain Écologique » (PSE aussi, forcément)

Le posystène expansé (≠ polystyrène extrudé) est un matériau largement utilisé depuis 20 à 30 ans dans l'isolation du bâtiment. Pour faire court, il a l'avantage d'être bon marché, offre de bonnes performances en isolation thermique et acoustique, et est facile à mettre en œuvre. Il a l'inconvénient d'être un matériaux synthétique issu de la pétrochimie (le matériau de base est l'éthylène issu de la distillation du pétrole), polluant, facilement inflammable et toxique en cas d'incendie (il fond à 70°C, et produit du monoxyde de carbone), de résistance mécanique modeste lorsqu'il est utilisé seul. Le PSE est potentiellement recyclable mais semble peu recyclé en pratique.

En clair, en dépit de quelques qualités d'isolant, c'est un matériau peu recommandable, et qui dans tous les cas ne mérite pas le qualificatif d'écologique. Alors de là à le rebaptiser « protecteur sain écologique », il ne faut quand même pas abuser. L'un des arguments de ses défenseurs peut être résumé en ces mots : « on l'utilise pour les emballages alimentaires, alors vous voyez bien que c'est un matériaux sain ». Le plus inquiétant dans une telle argumentation, c'est de savoir où s'arrête la vérité et où commence le mensonge…

Qui soutient le marché du PSE ? BASF, Lafarge, Knauf et Placo, pour les plus importants. Des poids lourds de l'industrie en quelque sorte. Ce qui laisse imaginer la puissance de ce lobby, et la transparence sur l'impact sanitaire de tels matériaux.

En résumé, en tant qu'isolant, le PSE fait son boulot. Mais lui donner le qualificatif de « protecteur sain écologique », c'est vraiment prendre les gens pour des cons. Remarquez, j'ai déjà entendu des spots publicitaires à la radio qui affirmaient que le sac plastique est écologique… Alors le PSE, pourquoi pas ??

Les isolants minces thermoréfléchissants

Sous cette dénomination un peu pompeuse, se cachent des matériaux prétendûment isolants composés de multiples feuilles qui « réfléchissent » la chaleur (feuilles d'aluminium, de mylar ou équivalent) - à ne pas confondre avec les isolants sous vide. L'arnaque ne vient pas des qualités thermoréflectrices de ces feuilles, mais du discours des industriels et des commerciaux qui font passer ces isolants multicouches pour des matériaux révolutionnaires aux qualités isolantes exceptionnelles. C'est cher mais ça brille, ça ressemble à une couverture de survie, donc c'est forcément efficace. En plus c'est peu épais, facile à mettre en œuvre (si on l'agrafe bêtement), et pas dangereux à manipuler. Trop beau pour être vrai…

Le plus basique de ces isolants consiste en une sorte de bullpack avec une feuille d'aluminium sur chaque face. Les plus « évolués » consistent en plus d'une dizaine de feuilles thermoréfléchissantes, parfois complétées par des isolants plus traditionnels (laine minérale, ouates, mousses par exemple), ou plus « écologiques » (laine de mouton, par exemple). Pas besoin de réfléchir beaucoup pour comprendre que si ces matériaux tenaient réellement leurs promesses, on ne constaterait pas une augmentation du nombre de feuilles ou l'adonction d'isolants classiques à mesure que l'on monte en gamme. C'est un aveu criant.

La résistance thermique d'un matériau dépend de sa résistivité thermique intrinsèque (l'inverse de la conductivité thermique) et de son épaisseur. Or si la conductivité thermique des isolants minces est correcte (elle est grosso modo comparable à celle d'un isolant « classique »), la résistance thermique du matériau à proprement parler est faible, à cause de son épaisseur réduite. Donc l'isolation procurée par ce type de matériau est très limité. Même avec une mise en œuvre sérieuse (une lame d'air non ventilée sur chaque face), l'isolation offerte par l'ensemble n'est - au mieux - guère supérieure à celle qu'offrirait la même épaisseur d'isolant traditionnel. Et elle ne permet pas de respecter la réglementation thermique en vigueur pour les bâtiments.
Ces matériaux méritent le qualificatif de complément d'isolation, tout au plus. Pourtant, il est habituel d'entendre que ces matériaux de quelques millimètres à quelques centimètres d'épaisseur procure la même isolation que 20 cm d'isolant minéral, voire plus (soit une résitance thermique supérieure à 5). C'est une grossière arnaque relayée par les enseignes de bricolage, les émissions de bricolage, les artisans et les architectes mal informés ou malhonnêtes.
Actis, l'un des leaders du marché avec le Triso-Super 9, revendique une résistance thermique de 5.6 (« mesurée au fluxmètre dynamique », ou « efficacité thermique équivalente, mesurée selon une méthode basée sur des tests en conditions réelles d’utilisation »), explique que le comportement thermique des isolants minces diffère de celui des isolants traditionnels, et que la résistance thermique telle qu'elle est définie et calculée habituellement ne peut s'applique à de tels matériaux. Il est vrai que les fabricants et distributeurs préfèrent mentionner une équivalence en épaisseur d'isolant traditionnel qu'une mauvaise résistance thermique.

Les autres caractéristiques de ces matériaux (avantages ou inconvénients, c'est selon) sont : un recyclage a priori possible - même si je doute qu'une filière de récupération existe réellement, une isolation acoustique quasi-nulle, une forte étanchéité à l'air (s'il est très bien mis en œuvre), une faible inertie thermique (confort d'été déplorable), une forte propansion à créer de petits ponts thermiques et d'important ponts de condensation - en effet, il est très difficile d'assurer une étanchéité parfaite entre les lés et la faible épaisseur favorise la formation de condensation (paroi froide)… Autant de caractéristiques qui peuvent rapidement générer des désordres au niveau du bâti.

Un test simple pour mettre en cause la mauvaise performance thermique des isolants minces thermoréfléchissants : en hiver, les maisons qui ont eu recours à ces matériaux d'isolation sont parmi les premières à voir la neige de leur toiture fondre.

En France, les matériaux d'isolation font l'objet de certifications ou d'avis techniques par le CSTB, qui concernent la performance en isolation, la tenue au feu, etc. Certains matériaux thermoréflecteurs multicouches commencent à obtenir des certifications ou des avis techniques, mais en tant que « complément d'isolation ». D'autres prétendent avoir été « contrôlés/testés/référencés par le CSTB », ce qui en soit ne signifie pas grand chose : une telle formulation ne renvoit pas à un avis technique ou toute autre forme de certification officielle… Le CSTB a publié un communiqué de presse qui explique clairement les faibles performances thermiques de ces isolants minces : correctement mis en œuvre - avec 2 lames d'air non ventilées sur chaque face - l'ensemble permet d'isoler comme 5 à 7 centimètres d'isolant minéral. Autrement dit : avec une mise en œuvre complexe (qui n'a rien à voir avec un simple agrafage) et un matériau onéreux, on obtient un système qui fait 5 à 7 cm d'épaisseur et qui isole autant qu'une épaisseur équivalente d'isolant traditionnel, bien moins cher. Le détail est donné dans cette note d'information sur les performances thermiques des isolants minces réfléchissants, puis confirmé par une nouvelle étude, qui contredit notamment celle du SFIRMM (que l'on peut trouver ici) : tous les détails sont accessibles depuis cette page. En l'absence d'une résistance thermique suffisante (la résistance thermique des matériaux minces thermoréfléchissants ne peut dépasser 2 m2.K/W), l'utilisation d'isolants minces pour des travaux d'isolation ne peut pas bénéficier de crédit d'impôts, sauf en complément d'autres matériaux.

À noter que le CSTC (équivalent belge du CSTB), a également réalisé une étude qui corrobore les conclusions de celles du CSTB.

Au mieux les fabricants n'évoquent pas les performances thermiques de leur(s) produit(s) dans leur documentation. Certains évoquent même des résistances thermiques qui ne correspondent pas à la réalité, et ne sont confirmées par aucun organisme indépendant. Dans l'absolu, ces matériaux doivent être évités à tout prix pour l'isolation des bâtiments (sauf en complément d'isolation, mais j'avoue que dans ce cas, vu les performances et le niveau de prix, je ne vois vraiment pas l'intérêt d'une telle opération…). Voici quelques noms de fabricants et de produits ou marques que l'on peut classer dans la catégorie des isolants minces thermoréfléchissants, et qui ne bénéficient pas d'avis technique du CSTB :

Les suivants font l'objet d'un avis technique du CSTB, en tant que complément d'isolation (liste en vigueur au moment de la rédaction de ces lignes) :

Pour information, j'ai été contacté par téléphone par la personne propriétaire de l'une des marques qui figurait dans la liste ci-dessus. Après m'avoir félicité pour mon site web, elle m'a fait comprendre qu'elle était propriétaire de la marque citée. Je lui ai alors proposé d'ajouter un petit ® ou ™, mais elle a refusé et m'a demandé de retirer toute mention à sa marque déposée, sans quoi elle porterait plainte.
N'étant pas du genre à chercher les problèmes, je me suis exécuté.
Je rappelle cependant que la mention d'une marque (forcément déposée - sans quoi il ne s'agirait pas d'une marque) ne constitue pas un délit, d'autant plus que ce site web est à caractère informatif et pas commercial. Il ne s'agit donc pas de concurrence, et encore moins de contrefaçon (contrairement à la mention de certaines marques dans un élément meta).

Comme je ne suis pas rancunier, je vais même offrir un lien au produit en question : ici. Et je vais le prendre comme support pour valider mes écrits :

À noter également qu'un certain Monsieur Lambert, d'une entreprise installée dans l'Eure (département 27), m'a également menacé de procédure judiciaire si je ne retirais pas la mention de sa marque (déposée) de mon site web. Inutile de préciser que les produits que vend ce monsieur ne bénéficient d'aucune certification ou avis technique. Si vous êtes curieux, je vous invite à chercher "TS 350 XL 7" dans Google : cette référence (qui n'est pas une marque déposée…) est l'un des produits vendus par cette entreprise.
Visiblement, ces personnes sans scrupule sont prêtes à tout pour continuer à sévir, alors que leur méthodes et menaces constituent un aveu flagrant de leur manque de sérieux et de l'absence de crédibilité de leurs produits. Il ne suffit pas de déposer une marque pour conférer des qualités techniques à un produit qui en est dénué.

Si ces matériaux minces d'isolation par réflexion présentent certaines qualités intrinsèques (variables selon les produits), et peuvent s'avérer idéaux pour des types d'application bien précis (lorsque les conditions de mise en œuvre imposent de travailler avec un matériau de faible épaisseur), force est de constater qu'ils sont souvent présentés comme des matériaux d'isolation à part entière, alors qu'ils ne méritent, au mieux, que le qualificatif de « complément d'isolation » à cause de leur performance thermique limitée. Pourtant, en dépit des mises en garde, de nombreux réseaux commerciaux continuent à les présenter comme des matériaux innovants aux performances exceptionnelles. Et à abuser de la crédulité du client final.

Si vous avez un peu d'argent à investir dans l'isolation, préférez donc les matériaux traditionnels, ou mieux, des matériaux plus écologiques comme la ouate de cellulose ou la laine de bois.

Le bloc béton : un matériau écologique !?!

Le « bloc béton » (il paraît que c'est comme ça que l'on doit appeler les parpaings maintenant - j'étais plus habitué à « parpaing », « agglo », « moëllon », … - peu importe) essaie lui aussi, à l'instar du PSE, de s'accaparer la mode du développement durable à grand renfort de greenwashing. Un travail effectué par BlocAlians, association de lobbying des cimentiers.

Il est vrai que le bloc béton dispose de quelques arguments favorables, telles que l'existence de filières courtes (plus de 500 sites de production en France). Pour le reste, les arguments avancés par BlocAlians sont plutôt discutables, voire carrément mensongers.

rédaction en cours…

page précédente : Énergie et abus de langage
page suivante : Divers




» Greenwashing dans le bâtiment

Version PDF
version complète
(haut débit)

Rechercher sur le site


Google Translate

English
Deutsch

eXTReMe Tracker