L'évolution de la consommation mondiale de pétrole
En dépit de la diminution progressive des réserves de pétrole, la consommation mondiale de pétrole tends à augmenter : voici pourquoi.
État des lieux de la consommation mondiale de pétrole
Entre 1859 et 1968, l'Humanité a consommé 200 milliards de barils de pétrole. Aujourd'hui, elle consomme plus de 30 milliards de barils par an (c'est-à-dire 13 milliard de litres par jour !!).
En dépit d'un prix du baril qui ne cesse d'augmenter, la consommation mondiale de pétrole suit toujours une pente ascendante.
La demande mondiale de pétrole pour 2007 est estimée par l'AIE à 85,8 Mbl/j, soit 31.3 Gbl pour l'année entière : c'est 0.37 Gbl de plus qu'en 2006. Pour 2008, on s'attend à ce qu'elle atteigne 32 Gbl, soit une augmentation de 2.3% par rapport à 2007. Néanmoins les prévisions pour 2008 sont incertaines à cause de la conjoncture économique mondiale (récession due entre autres à la crise des subprimes).
Les prédictions de production pétrolière pour les décennies à venir varient
En parallèle, la production annuelle pour 2007 est estimée à 31.2 Gbl, ce qui explique en partie les tensions sur le prix du pétrole : elle n'a quasiment pas augmenté par rapport à 2006 ; en tout cas son augmentation a été inférieure à l'augmentation de consommation. Les pays de l'OPEP ont représenté 41.9 % de la production mondiale de pétrole de 2007. Plus d'infos dans le rapport de la DIREM sur le marché pétrolier mondial.
La demande est aujourd'hui structurellement très proche de l'offre, voire même légèrement supérieure. Certains estiment que la production pétrolière mondiale est en train d'atteindre son pic.
D'autres prévisions, comme celles de l'AIE (qui, rappelons-le, défend les intérêts des pays consommateurs d'énergie), affirment que la production mondiale pourrait atteindre 116 Mbl/j en 2030.
De son côté, Total prévoit que la production plafonnera au maximum à 100 Mbl/j d'ici 2020.
Le Dr Sadad Al-Husseini, ancien président d'Aramco (la compagnie pétrolière nationale saoudienne), constate que la production de pétrole commence à stagner dans de nombreuses régions pétrolifères ; d'autres ont déjà amorcé leur déclin. Il estime que la production mondiale n'excèdera pas 70 Mbl/j en 2030.
Les États-Unis à eux seuls représentent toujours 25% de la consommation mondiale de pétrole. Mais l'Asie représente la part la plus importante (70%) de l'augmentation de la consommation (la Chine à elle seule représente la moitié de l'augmentation de la consommation asiatique).
Raisons de la croissance de la consommation mondiale de pétrole
La consommation mondiale de pétrole est en forte croissance. Elle a augmenté de 11 % entre 1970 et 2000, on estime qu'elle va encore augmenter de 30 à 40% d'ici 2030. C'est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs.
Une démographie galopante
La population mondiale actuelle est d'environ 6 milliards d'êtres humains. On estime qu'elle passera à 9 milliards entre 2020 et 2050. Même si les pays qui ont la plus forte croissance démographique ne sont pas les plus industrialisés, cette augmentation de la population va avoir un impact sur la consommation mondiale de pétrole.
L'émergence de nouveaux pays industrialisés
Certains pays, comme la Chine et l'Inde, qui représentent à elles deux environ un quart de la population mondiale, sont en plein développement économique. Leur expansion engendre une forte consommation de pétrole. D'ici 2030, on estime que la consommation de pétrole de ces pays émergents représentera 50 % de la consommation mondiale.
L'expansion du secteur des transports
97 % des transports dépendent des produits pétroliers. La mondialisation de l'économie et du commerce implique un important développement du secteur des transports. On estime que les transports représentent actuellement 50 % de la consommation de pétrole ; cette proportion devrait passer à 60% d'ici 2030. Autrement dit la consommation de pétrole pour le seul secteur des transports devrait augmenter d'environ 35% d'ici 2030.
Le manque d'alternatives comparables
Les alternatives comparables au pétrole sont peu nombreuses. Celles qui ont le plus gros potentiel ne pourront se substituer au pétrole que par une volonté ou une nécessité de rupture avec les traditions issues du pétrole. C'est la raison pour laquelle les agrocarburants sont largement défendus par les entreprises pétrolières : ils leur permettent de conserver la mainmise sur les réseaux de distribution, et d'une point de vue de l'utilisation, les agrocarburants ne représentent qu'un évolution technologique. Ils ne changent en rien le comportement du consommateur, et c'est bien ce qui intéressent ceux qui maîtrisent les réseaux de distribution.
On pourra évoquer l'hydrogène, dans le même genre de problématique de réseaux de distribution (et de production, car l'hydrogène est un vecteur d'énergie, au même titre que l'électricité, et non une source d'énergie).
Les solutions de production et d'utilisation de sources d'énergie décentralisées, si elle peuvent constituer une alternative viable, ne sont pas privilégiées car elles impliquent un changement d'habitude pour les fournisseurs et les consommateurs. Si aujourd'hui ou dans un futur proche la technologie pouvait nous offrir une nouvelle source d'énergie propre et compatible avec les utilisations et les modes de distribution actuels, nul doute qu'elle finirait pas s'imposer. Mais de telles sources d'énergie n'existent pas : celles qui se présentent comme telles ne sont que des leurres vantant des qualités biaisées. Il "suffit" généralement d'analyser leurs filièrse dans leur ensemble pour se rendre compte des aberrations qu'elles constituent, ou des conditions dans lesquelles elles pourraient réellement constituer (même partiellement) une alternative crédible (et de se rendre compte que ces conditions ne sont pas respectées).
Liens entre l'offre, la demande et le prix du baril de pétrole
La consommation de pétrole dépend du prix du baril de brut. On parle d'élasticité de la demande au prix du pétrole. Les chiffres varient suivant les sources :
- une corrélation négative de 1/25, c'est-à-dire que la demande baisserait de 1 % si le baril augmentait de 25%. Vu la tendance actuelle, on devrait pouvoir vérifier assez rapidement cette statistique, encore que l'émergence de la Chine et de l'Inde risque de fausser les résultats ;
- une augmentation de 10 $ du prix du baril se traduirait par 0.3 points de croissance en moins l'année suivante (je ne sais pas s'il s'agit d'une valeur absolue ou relative, si elle est absolue, avec +70 $ sur le prix du baril entre 2007 et 2008, la récession nous pend au nez…) ;
- une hausse de 10 € sur le prix du baril se traduirait par une augmentation de 0.1 € sur le prix du litre de carburant à la pompe.
Le facteur psychologique joue aussi un rôle. En France, près d'un quart de la population se dit prête à réduire l'utilisation de la voiture pour un prix du carburant supérieur à 1.50 €/L. On est en plein dedans, il va falloir s'y mettre. Au États-Unis, le seuil psychologique serait de 3 $/gallon, soit 0.6 €/L. On ne joue pas dans la même catégorie…
Conclusion
Les réserves de pétrole, bien qu'elles soient mal connues, se réduisent. En parallèle, le développement économique et démographique mondial, conséquence de la mondialisation des marchés, engendre des besoins d'énergie exponentiels, et une consommation mondiale de pétrole qui suit cette tendance.
En l'absence de politiques audiacieuses vis-à-vis de la dépendance pétrolière et du réchauffement climatique, seule une hausse importante du prix du pétrole pourrait permettre d'enrayer ce système. Avec des impacts majeurs sur nos civilisations :
- impact sur la mobilité ;
- impact sur les produits d'usage quotidiens (pétrochimie, plastiques) ;
- développement de filières locales (énergie, production alimentaire, production industrielle) ;
- impact sur l'environnement : moins de pollution et de nuisance ;
- impact sur le coût de la vie : hausse des prix, en particulier pour les aliments et produits manufacturés importés ;
- impact sur la société de consommation : un modèle économique basé sur la consommation de produits jetables et éphémère ne sera plus viable ;
- impact sur la technologie : la technologie devra accompagner cette mutation de la société et faire l'objet d'une évaluation complète pour éviter les problèmes liés à une implémentation irraisonnée de technologies a priori inoffensives.